Maps of Hitler / Les cartes d’Hitler. Der Untergang/Downfall/La Chute

LaChute15 Der Untergang (Downfall) is a 2004 German film directed by Oliver Hirschbiegel that focuses on the last days of the Third Reich and the fall of Berlin. The movie is set in and around Hitler’s Bunker in late April 1945. It is a realistic reconstruction, based on eyewitness accounts, survivor memoirs and verified sources. Bruno Ganz plays Hitler’s character in a very impressive way. The film has given rise to much controversy mainly about the ethical problem related to the possible humanization of an evil exterminator. This post is dedicated to the numerous maps and other geographic machineries that appear on screen. It addresses also the large number of parodies (memes) on mapping the movie has generated.

Der Untergang (La Chute), film allemand de Oliver Hirschbiegel retrace les derniers jours du IIIème Reich en centrant l’intrigue sur le Bunker où Hitler est retranché pendant la chute de Berlin fin avril 1945. Il s’agit d’une reconstitution réaliste, fondée sur les mémoires et témoignages des survivants et sur les sources les plus fiables. Il s’agit aussi d’un fantastique travail de composition de Bruno Ganz qui incarne Hitler de manière très impressionnante. Le film a donné lieu à de nombreuses controverses, sur l’intérêt cinématographique et le problème éthique lié à l’humanisation possible d’un sinistre exterminateur. Ce qui nous intéresse ici est la manière dont le film met à l’écran de nombreuses cartes et autres dispositifs géographiques et les multiples parodies qu’il a générées sur le thème de la cartographie.

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LaChute14LaChute10LaChute1Ces cartes nombreuses ont plusieurs fonctions. Elles participent bien sûr de la véracité historique d’un film qui organise la fiction autour du personnage de Traudl Junge, jeune secrétaire d’Hitler et la place entre deux extraits d’un témoignages de la vraie Junge devenue une femme âgée. Mais ces cartes sont aussi des objets actifs contribuant à la fiction, d’autant plus intéressants à analyser qu’elles participent naturellement à ce projet de reconstitution fidèle d’une histoire vraie. Et, chose surprenante, la « vie » de ces cartes se prolonge an dehors du film dans des adaptations parodiques, drôles et plus profondes qu’on pourrait le croire sur la mise en scène cartographique du film.

La véracité historique

D’abord, dans un film qui se veut respectueux de la vérité historique telle qu’on peut la reconstituer d’après les témoignages et les documents, les cartes se doivent d’être véridiques. On sait que le bunker comprenait une salle des cartes, qui faisait office de salle de réunion, comme le souligne le témoignage de Bernt Freytag V. Lorenghoven dans ce documentaire (7:42). C’était un lieu minuscule, un carré de 3,50 m de côté avec comme seul mobilier une chaise sur laquelle s’asseyait le Führer, tous les généraux restant debout, et une table assez petite sur laquelle on déployait les cartes, et qui joue un rôle important dans le film. 

Il existe de nombreuses photographies de propagande où l’on voit Hitler étudier des cartes militaires. Une simple recherche sur Google Image le montre à de nombreuses reprises consultant des cartes sur tous les fronts, Ouest et Est, debout devant des tables, entourés de ses généraux ou même seul dans sa voiture. La carte est depuis Napoléon l’attribut du stratège. Même si la part que l’intelligence tactique personnelle d’Hitler a joué dans les victoires militaires allemandes jusqu’en 1943 est objet de controverse chez les historiens, son intérêt pour les cartes et plus encore la mise en scène de celui-ci n’est pas contesté. 

Il ne semble pas y avoir de documents photographiques ou filmiques sur les réunions militaires à l’intérieur du bunker. On suppose que les cartes déployés devant Hitler et ses généraux dans le film sont conformes à celles réellement utilisées par l’État-major. Elles reconstituent en tout cas de manière réaliste le théâtre des opérations militaires de Berlin, d’abord à l’échelle de la région, puis de la ville au fur et à mesure que les Alliés se rapprochent. 

LaChute8LaChute7Une autre carte très présente dans le film est le beau planisphère affiché au mur de la salle des cartes, salle qui sert aussi parfois pour les repas, par exemple ci-contre avec Goebbels, Reitsch et Greim. C’est dans cette salle, semble-t-il, que fut célébré le mariage de Hitler et Eva Braun, même si le film ne le situe pas à cet endroit. Le choix d’une carte du monde est-il conforme à la documentation historique ? D’après IMDb, les frontières de l’URSS, de la Corée et de la Chine qui y sont figurées seraient celles de l’après-guerre, ce qui ne semble pas exact. La carte ne présente pas l’extension maximale des conquêtes japonaises au début de 1945 mais la Corée et la Mandchourie comme la péninsule indochinoise sont bien teintées dans le rouge du Japon qui les avait conquises. On notera que la mise en scène choisie par le Musée de Cire de Mme Tussauds à Berlin lors de son ouverture en 2008 [1] est aussi celle d’un Hitler brisé et reclus dans son bunker. Mais la carte choisie pour trôner au-dessus de son bureau est beaucoup moins vraisemblable. Il s’agit d’une improbable carte murale de type scolaire, plus à destination du public du musée qu’à l’usage d’Hitler. 

LaChute5LaChute4LaChute12La dernière carte du film est celle que Hitler consulte dans un Atlas au moyen d’une loupe. Elle semble concerner la Roumanie et les champs pétrolifères que, dans son délire, alors qu’il vient d’annoncer que la guerre est perdue, il semble espérer reconquérir.

Enfin un autre dispositif spatial ne doit pas être oublié, la maquette de Germania construite par Speer et matérialisation du rêve mégalomane d’Hitler pour Berlin, capitale d’un Reich devant durer 1000 ans.

Les fonctions fictionnelles

LaChute6LaChute2LaChute9Mais les cartes ne sont pas dans le film seulement un élément de décor, des accessoires mobilisés pour asseoir la véracité du récit. Elles participent de la construction même de celui-ci. Le film se trouve circonscrit à l’espace du bunker et de ses alentours auxquelles viennent s’ajouter quelques scènes dans les rues de Berlin, avant l’échappée finale. Du coup, c’est un peu comme si les cartes apportaient dans l’univers confiné du bunker des images d’espaces extérieurs organisés en couronnes successives : la ville de Berlin et sa région, l’Allemagne, le monde entier.

Les espaces d’Hitler se rétrécissent petit à petit depuis le Wolfsschanze (« La Tanière du Loup », principal quartier général d’Adolf Hitler situé en Pologne, où il recrute Traudl Junge en 1942 au début du film, jusqu’au bunker où il se donne la mort, à côté de la chancellerie du Reich à Berlin. La Chancellerie du Reich fait aussi partie de l’espace d’Hitler dans le film. C’est là qu’a lieu son anniversaire, là qu’il discute avec Speer autour de la maquette de Germania, et là que Eva Braun donne un bal interrompu par l’artillerie russe. Dans la cour de la chancellerie, près de l’entrée du bunker, ont lieu la cérémonie de salut des jeunes nazis, la pause cigarette des femmes du bunker, le suicide de Goebels et de sa femme et l’incinération des corps du couple Hitler-Braun. C’est dans la cave de la chancellerie, et donc en continuité avec le bunker où il les convoquera, que les docteurs Schenck et Haase improvisent un hôpital.

L’espace de Berlin, placé au centre des combats par Hitler lors du déclenchement de l’opération Clausewitz, est un espace qui lui est dorénavant fermé. Piégé dans son terrier, il refuse d’évacuer la population de la ville, qui ne mérite pas selon lui de survivre puisqu’elle s’est montrée trop faible pour accomplir le projet nazi. Le film suit ainsi les combats de rue des derniers défenseurs, volontaires de plus en plus jeunes et la tentative de sortie des réfugiés du bunker après la mort du « Führer ». Le monde extérieur plus lointain n’existe que par le truchement du téléphone ou des dialogues : la fuite de Himmler pour négocier la capitulation avec les américains, la trahison de Göring apprise par téléphone, celle d’Himmler un peu plus tard…

LaChute16L’espace du bunker est tracé directement par le film. Tous les espaces hors du bunker, sauf Berlin, le sont essentiellement par les cartes. Les gros plans sur les cartes d’État-major expriment parfaitement le resserrement progressif de la nasse autour du bunker, en même temps qu’ils matérialisent la topographie du piège. L’Allemagne défaite n’est présente que furtivement par la carte collée au mur de la pièce des transmission.Le planisphère exprime l’ampleur du vaste monde extérieur par contraste avec l’espace de plus en plus confiné du bunker, mais il évoque aussi le rêve dissipé du destin mondial de l’Allemagne nazie.

LaChute13La maquette de Germania est aussi la marque d’un rêve évanoui et sa blancheur de marbre évoque le sépulcre des berlinois qu’Hitler sacrifie à son orgueil démentiel, proclamant devant les jeunes combattants « nazis » qu’il décore : « Quand Germania se relèvera de ses ruines, vous en serez les héros ».

LaChute11Les cartes ne font pas que symboliser une étendue abstraite. Elles représentent aussi des hommes et des femmes, tous ceux qui attendent l’ordre de la capitulation d’Hitler qui mettrait fin à la barbarie et aux massacres. La population de Berlin, les combattants allemands, américains et russes autour de la ville et le monde entier, représenté par le planisphère, attendent la reddition qui ne viendra pas. Un plan du film est significatif, celui où Goebbels mentionne les américains devant la partie du planisphère de l’Amérique du Nord, comme si la carte parlait alors pour les élus et le peuple des Etats-Unis. Cette scène illustre bien comment les cartes au cinéma sont des éléments graphiques qui viennent redoubler le discours (Jacques Demy utilise le procédé de manière plus subtile dans Lola (voir ici). Elles servent aussi à structurer spatialement les plans du film, comme dans les scènes avec l’État-major où tout s’organise autour de la carte par des mouvements circulaires de caméra, ou des champs/contre-champs au-dessus d’elle.

Hitler1Les cartes reflètent une situation mais elles sont aussi performatrices, dès lors que les signes qui y sont dessinés se transforment en décision d’action. C’est bien entendu le cas avec ces cartes militaires. N’importe quel symbole dessiné sur la carte se traduit en un mouvement de bataillon ou en une manœuvre d’encerclement. Quand il consulte les cartes, Hitler tient des crayons dans la main, bleu pour les troupes allemandes et rouge pour les troupes alliées. Lorsqu’il se rend compte que l’offensive de Steiner n’aura pas lieu et que la guerre est définitivement perdue, il entre dans une colère noire, crie à la trahison et maudit ses généraux. Dans une belle idée de cinéma, il lance les crayons sur la table qui semblent se briser sur la carte, juste à côté de ses lunettes de presbyte, symbole discret de son aveuglement et de son âge. Comment mieux signifier le constat que celui que Newsweek appelait en avril 1939 le cartographe, le « faiseur de carte », au sens d’un modeleur de territoires, ne frapperait jamais plus ?

LaChute3Il est intéressant de constater que d’habitude les cartes sont du côté de la réalité, comme le témoignage d’un ordre matériel du monde dans l’univers du discours. Leur statut dans le bunker est brouillé. Si l’on en croit Rolf-Dieter Müller dans le documentaire cité plus haut (à partir de 2:38), sur le papier (sur les cartes) tout n’allait pas si mal pour la Wehrmart avec ses 10 millions d’hommes. Mais dans la réalité les soldats étaient épuisés, les unités dispersées et fragmentées, ce que les généraux essaient de faire comprendre à Hitler. Selon eux, le « Führer » a perdu le sens des réalités et manipulent des unités qui n’existent plus réellement. Le spectateur ne sait pas au début s’il faut accorder foi aux cartes ou aux généraux. Ce n’est que progressivement que l’on saisit qu’Hitler, consciemment ou inconsciemment, joue avec des cartes qui n’ont plus de rapport avec la situation réelle. Cela nous est confirmé par la carte de la Roumanie qu’il consulte à la loupe, à la recherche chimérique des champs pétrolifères. Une visée aussi hors de portée, prise dans la carte à petite échelle d’un simple atlas vient confirmer que le dictateur, perdu dans ses rêves passés, s’est absenté de la réalité.

La parodie cartographique

Dans un registre plus léger et anecdotique, le film La Chute est aussi connu pour le nombre astronomique des détournements parodiques auxquels il a donné lieu sur Internet. Les scènes de colère d’Hitler font l’objet de mèmes innombrables. Le phénomène a pris de telles proportions qu’on peut s’interroger sur ses causes. Malgré le fait que le temps estompe progressivement des mémoires la dimension tragique du film, on ne peut s’empêcher de voir dans cette dérision une dimension quasi conjuratoire, que renforce la performance impressionnante de Bruno Ganz.

Parmi les très nombreux mèmes cartographiques existant sur YouTube, en voici quatre, ordonnés dans un rapport critique croissant avec les cartes et donc avec le principe de mise en scène du film. Dans le dernier, Hitler répond au général qui lui demande quels sont ses plans : « Enlever toutes les cartes de ce bunker. Elles sont ennuyeuses et inutiles. Il y en a partout. Il y en a même une derrière moi ».

Où Hitler en a assez du système de navigation d’Apple et réclame celui d’Android. Version 1

Où Hitler en a assez du système de navigation d’Apple et réclame celui d’Android. Version 2

Où Hitler ne supporte plus le fétichisme cartographique.

Où Hitler en a assez des cartes en général et ordonne de les remplacer par des GPS

[1] Le « retour de Hitler à Berlin » fit polémique. Dès son ouverture en 2008, un visiteur arracha la tête de la statue.

Reference/Référence

  • Work Title/Titre de l’œuvre : Der Untergang/ La chute/ Downfall
  • Author/Auteur : Oliver Hirschbiegel
  • Year/Année : 2004
  • Field/Domaine : Cinema
  • Type : Drama/Drame historique
  • Edition/Production : Constantin Film Produktion et al.
  • Language/Langue : Ge
  • Geographical location/localisation géographique : #Berlin, Germany
  • Remarks/Notes:
    • Machinery/Dispositif : Cartes, maquettes/ maps models
    • Location in work/localisation dans l’œuvre :
    • Geographical location/localisation géographique :
    • Remarks/Notes :

Une réflexion sur “Maps of Hitler / Les cartes d’Hitler. Der Untergang/Downfall/La Chute

  1. Bonjour Thierry,
    Un grand merci pour cette présentation et cette analyse du film « La chute » dont une partie de la qualité est due à l’interprétation époustouflante de Bruno Ganz.
    Pour compléter cet article, on peut se référer à celui de Wikipedia qui décrit, plan à l’appui, l’organisation des deux bunkers de Hitler à Berlin (http://fr.wikipedia.org/wiki/F%C3%BChrerbunker). La carte des salles se situait dans le Führerbunker, dont le film a cherché une reconstitution fidèle.
    Quant aux « mèmes cartographiques » du film, ils semblent vouloir montrer qu’il est possible de rire de tout, même de ce dont on pense qu’il est impossible de rire… mais Charlie Chaplin nous a montré le contraire.

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